Alphonse Borras, Université Catholique de Louvain

Pour Esprit & Vie, septembre 2004.

Dans la foulée du récent document de la Commission théologique internationale sur le diaconat[1], je me propose de présenter quelques jalons pour aider à penser et à mettre en œuvre ce ministère dans nos Eglises locales en Occident.

Je parle de « jalons » plutôt que de repères pour suggérer d’emblée que la réflexion est en cours et que, de ce fait, elle prépare des développements ultérieurs. Il importe en effet d’approfondir théologiquement la raison d’être et la finalité du ministère diaconal de sorte que celui-ci devienne « lisible » pour le tout-venant, dans la perspective de sa restauration durable [2]. Il s’agira, grâce à quelques jalons, d’en souligner la pertinence sacramentelle pour la mission de l’Eglise. Je terminerai en évoquant les conditions d’une véritable réception  du rétablissement du diaconat.

 

1. L’ancrage dans une théologie de l’Eglise locale et de ses ministères

Le point de départ de toute réflexion ultérieure est, selon moi, son ancrage dans une théologie de l’Eglise locale et de ses ministères. Pour penser et mettre en œuvre le diaconat, comme d’ailleurs n’importe quel ministère ecclésial, il faut l’inscrire dans la mission de l’Eglise, ce pour quoi celle-ci a été appelée et envoyée – son « ministère », pourrait-on dire, à savoir ce « service » qu’elle rend au cœur de l’histoire entre, d’une part, la Pâque du Christ et la Pentecôte de son Esprit, et, d’autre part, la réconciliation de l’humanité, – promesse qui nous est offerte et que nous portons dans l’espérance de la réalisation plénière du Royaume de Dieu.

Ce peuple que Dieu convoque au cœur de l’histoire est appelé et envoyé pour faire part de la communion de grâce dont il vit [3]. Il jaillit de l’amour trinitaire (Ecclesia ex trinitate) et il se laisse façonner par lui en entrant dans la dynamique du don – tourné vers le Père par le Fils dans l’Esprit (Ecclesia in trinitatem) – dans l’attente d’en être pleinement comblé (Ecclesia in trinitate). Ce « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit» (LG 4b) donne les signes de cette communion de vie trinitaire et pose pour les êtres humains les gestes de cette alliance dans l’attente de la réalisation de ce monde qui vient, pleinement réconcilié en Dieu quand celui-ci sera « tout en tous » (1 Co 15,28).

Ce peuple en marche au cœur de l’histoire vers le Royaume prend corps par l’adhésion croyante à l’Evangile de la grâce et la participation au don de soi que le Christ fait au Père dans l’Esprit : c’est du milieu de notre humanité, par le mystère pascal et la pentecôte de l’Esprit, qu’il prend forme comme Corps du Christ et Temple de l’Esprit. Il se situe en tension eschatologique vers ce à quoi l’histoire est appelée, la communion de vie trinitaire. L’Eglise est cette portion d’humanité qui vit déjà ce passage par le Fils dans l’Esprit vers le Père (cf. Jn 13,1). Elle n’est pas face au monde comme si elle était en dehors de l’histoire : elle est ce transit de l’histoire vers ce à quoi celle-ci est promise. Vatican II évoque cette dimension eschatologique en ces termes : « Dès maintenant présente sur cette terre, elle (l’Eglise) se compose d’hommes, de membres de la cité terrestre, qui ont vocation de former, au sein même de l’histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu’à la venue du Seigneur. (…) A la fois ‘assemblée visible et communauté spirituelle’, l’Eglise fait ainsi route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu » (GS 40 § 2).

Cette dimension eschatologique donne le sens de la mission qui atteste la communion de grâce  L’Eglise porte une Bonne Nouvelle, qu’elle annonce dans la foi en paroles et en actes (Evangile annoncé), qu’elle célèbre dans l’action de grâce à Dieu pour le mystère pascal et l’intercession pour l’humanité (Evangile célébré) et qu’elle traduit dans le don filial au Père pour le salut du monde et le don fraternel de soi par une service de l’humain, de tout l’humain – humblement, discrètement mais résolument car, depuis Jésus-Christ, Dieu est à chercher du côté de notre humanité (Evangile vécu). 

Avec Vatican II, on dira qu’à la suite de son Maître et Seigneur et dans la force de l’Esprit le Corps ecclésial du Christ exerce une triple fonction prophétique, sacerdotale et royale au cœur de l’histoire et en marche vers le Royaume. On dira aussi que l’Eglise est « comme un sacrement, à savoir le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1). Telle est sa tâche, sa raison d’être. Tel est le seul service pour lequel elle est vraiment attendue « dans ce monde » pour nous tourner vers Dieu venu à notre rencontre, nous faire participer au don que le Christ fait au Père et nous faire retourner vers nos frères et sœurs en humanité.

On comprend combien communion et mission sont deux dimensions corrélatives et intrinsèquement unies de la réalité ecclésiale. Si l’Église est une « communion » à la grâce dont Dieu lui fait part, elle ne peut être que « mission », c’est-à-dire attestation de ce qu’elle est et de qui elle tient, à savoir peuple de Dieu. Sa tâche n’est-elle pas dès lors d’édifier l’humanité en Corps du Christ habité par l’Esprit Saint et de ce fait de l’établir en sa qualité de peuple de Dieu ?

Dans cette perspective, le ministère de l’Eglise est de répondre à sa vocation en réalisant sa mission, attestant la communion de grâce dont elle vit et que Dieu veut partager à toute l’humanité. Son ministère est de porter l’Evangile, d’en faire part parce qu’elle y a part – de l’annoncer et de le célébrer parce qu’elle en vit. Elle le fait en ce lieu. L’Eglise de Dieu se réalise en effet en chaque lieu par l’action de l’Esprit saint et la diversité des charismes des croyants.

C’est au service de la communion et mission de tous que quelques-uns reçoivent un ministère dans l’Eglise et pour l’Eglise – et j’ajouterai volontiers par l’Eglise : « Pour que l’Église vive et remplisse sa mission de service de l’Évangile en ce monde, il faut que, en elle, certains acceptent de servir pour la disposer à sa mission – autrement dit : d’assurer en son sein des ministères » [4].

Tous prennent part à la communion trinitaire ; tous font part de la mission de tout le Corps ecclésial dont le Christ est la tête ; tous bénéficient de l’assistance de l’Esprit-saint. Mais quelques-uns assument une fonction particulière au service de tous sous la présidence d’un seul. C’est ainsi qu’au sein du peuple de Dieu et en faveur de son unité, il y a le service du ministère apostolique des évêques. Avec l’aide des prêtres et des diacres ainsi que des autres ministres, le ministère épiscopal contribue à édifier l’Eglise comme Corps du Christ en ce lieu et à réaliser sa mission évangélique pour les êtres humains à qui Dieu veut communiquer sa vie et leur révéler son amour, bref leur faire part de sa grâce.

C’est la doctrine commune en théologie depuis quelques décennies : avant de parler des ministères, il ne faut guère perdre de vue qu’ils s’inscrivent dans, pour et par le ministère de l’Eglise locale en laquelle est présente et agissante l’Eglise de Dieu, une, sainte, catholique et apostolique (LG 23a ; cf. SC 41b et CD 11). Les ministères doivent être situés par rapport à la communauté ecclésiale, et non l’inverse. Celle-ci est la réalité enveloppante, disait le Père Y. Congar, à l’intérieur de laquelle les ministères se situent comme des services de cela même que la communauté est appelée à être et à faire [5].

C’est ce « ministère de la communauté » que l’évêque a reçu, par son ordination, pour l’exercer avec l’aide des prêtres et des diacres (cf. LG 20c). En tant que titulaires du ministère ordonné, l’évêque, les diacres et les prêtres ont été investis sacramentellement pour signifier que l’Église se reçoit de Dieu par le Christ et dans l’Esprit, qu’elle tient de l’initiative gracieuse de la Trinité d’entrer en alliance. En tant que vis-à-vis, posés par ordination en face de la communauté ecclésiale, ils signifient que celle-ci naît de la grâce. Mais tous les fidèles, ministres ordonnés y compris, réalisent par leur adhésion croyante qu’il n’y a d’Église que par la réponse libre et joyeuse de la foi en participant au don que le Christ fait de sa vie au Père pour le salut du monde.

Le rapport du ministerium à l’Ecclesia est donc non seulement organique, mais aussi symbolique : il fait « tenir ensemble » (gr. sunballein) initiative de la grâce et réponse de la foi. Il prend tout son sens en référence à cette altérité radicale de Dieu par le Christ dans l’Esprit. Il nous dit quelque chose de Dieu à l’égard de son peuple qu’il convoque du milieu des hommes en venant à sa rencontre par le Christ dans l’Esprit (Ecclesia ex trinitate) pour l’entraîner à son tour dans ce passage, sa Pâque (Ecclesia in trinitatem) dans sa communion d’amour (Ecclesia in trinitate).

Il nous faut dès lors parler de la sacramentalité du diaconat. Celle-ci ne peut être abordée qu’à l’intérieur de l’unité du sacrement de l’ordre, mais sans glisser trop rapidement vers la question de la configuration du ministre ordonné au Christ. A mon sens, cette question doit s’entendre comme l’incidence subjective sur le ministre ordonné de ce à quoi l’habilite objectivement l’ordination. Je n’insisterai pas sur la configuration du  ministre – et en définitive, dans la théologie latine, sur la doctrine du caractère – qui est désormais également acquise pour les diacres [6].

 

2. Le diaconat à l’intérieur de l’unité du sacrement de l’ordre

            C’est par le sacrement de l’ordre que des baptisés sont investis d’un ministère « ordonné », l’épiscopat, le presbytérat ou le diaconat. Ces baptisés sont désormais positionnés autrement par rapport à leurs frères et sœurs en vertu même de cette investiture. Par l’imposition des mains accompagnée d’une épiclèse, ils sont en effet placés par l’Eglise en référence au choix et à l’envoi des Douze par le Christ en même temps qu’ils sont munis de la grâce de servir l’Eglise avec l’autorité du Christ et de la rassembler dans l’Esprit-saint. Le sacrement de l’ordre est relié à une institution par le Christ, attestée et transmise par les apôtres. S’il a été « institué » par le Christ, cela signifie pour le moins qu’il n’est pas d’institution humaine. L’Eglise, dès lors, le reçoit et le met en œuvre pour le « ministère de la communauté » (cf. LG 20c).

            L’ordination voue des baptisés au soin du Corps ecclésial tout entier dont le Christ assure l’unité par l’Esprit-saint qui lui communique la vie divine. Jaillie de l’amour trinitaire, l’Eglise repose sur le mystère pascal du Christ qui nous a aimés jusqu’à l’extrême. Telle est la « diaconie » du Christ dans son humanité du Fils, devenu par son obéissance filiale jusqu’à la mort serviteur du Père (cf. He 5,8-9 ; Ph 2,7) dont « l’origine du don de sa vie est la personne même de l’Esprit qui le remet au Père (Hebreux 9,14), parce que ce même Esprit est à l’origine de son incarnation (Luc 1,35) »[7]. La « diaconie » du Christ ne se réduit pas à des services rendus, ni même à une attitude foncière de serviabilité, ni a fortiori à une exemplarité morale : elle est le parachèvement de son humanité livrée dans l’acte de son oblation. « L’existence du ministère apostolique, écrit Alain Grau, ne peut avoir d’autre horizon que ce don » [8]. Partant de la diaconie du Christ, cet auteur affirme que son oblation sur la Croix est « le degré zéro du don du Père » sur lequel vient se greffer le « sacerdoce » du Christ [9], à savoir sa seule et unique médiation du Christ opérée une fois pour toutes agit aujourd’hui par le don de son Esprit. En signifiant l’initiative de la grâce, le ministère apostolique signifie à la fois la surabondance du don du Fils au Père dans l’Esprit (« diaconie » du Christ) et l’offrande de l’humanité tournée vers le Père par sa participation au mystère pascal (« sacerdoce » du Christ).

Cette médiation sacerdotale est signifiée, en face de la communauté, par l’évêque qui, au nom du Christ et dans l’Esprit, préside à l’édification de l’Eglise en ce lieu et à la construction du lien entre les Eglises. L’Eglise locale qu’il sert dans la fidélité à la Tradition dont il reçoit la Parole, il en est la « tête » en même temps qu’il en est la « charnière » qui l’inscrit dans la communion de toutes les Églises. Pour ce « ministère de la communauté » en ce lieu, l’évêque est assisté par les prêtres et les diacres. C’est ici qu’il faut relier chacun des deux ordres, presbytérat et diaconat, avec la plénitude du sacrement de l’ordre dans l’épiscopat.

            D’une part, à l’instar de l’évêque qui préside à l’Église locale (comme « tête ») et l’inscrit dans la communion des Églises (comme « charnière »), le ministère des prêtres figurent la seule et unique médiation sacerdotale du Christ, le vrai pasteur, le bon berger par excellence. Ils représentent face à l’Église que le Christ est l’unique grand-prêtre, le seul pasteur qui conduit son Église afin qu’elle devienne un peuple tout entier sacerdotal, c’est-à-dire qui se reçoit de Dieu et s’offre dans le don de soi. La médiation sacerdotale appelle toute l’Église et chacun des fidèles à faire de leur vie un sacrifice spirituel (c’est-à-dire dans l’Esprit) agréable à Dieu (cf. Rm 12,1-2). Puisque la médiation sacerdotale est inhérente à l’eucharistie, source et réalisation de l’Église en ce lieu, la présidence de l’eucharistie où l’Église prend corps est liée à la présidence de l’Église en ce lieu.

            D’autre part, les diacres sont ordonnés « non pas en vue du sacerdoce mais en vue du ministère » (LG 29a) [10]. Les diacres ne sont pas ordonnés pour la présidence de la communauté ecclésiale et de son eucharistie. S’ils sont en revanche ordonnés « pour le ministère de l’évêque », il ne s’agit cependant pas du ministère qui a pour objet l’évêque, mais du ministère dont l’évêque est le sujet, le titulaire au premier chef, l’auteur, auctor, au sens de garant. Or, ce ministère a pour objet la communauté ecclésiale (cf. LG 20b) et peut être qualifié d’« apostolique » puisqu’il veille à sauvegarder et à promouvoir l’identité apostolique de l’Église en ce lieu.

Le concept de ministère doit être compris, selon moi, comme le concept englobant principalement pour deux raisons. D’une part, à partir de la « diaconie » du Christ, la vie de tout ministre est scellée par la kénose et sa fonction est de faire passer le peuple de Dieu dans la surabondance du don du Christ : servir la communauté, c’est l’enraciner dans cette dynamique du don. D’autre part, l’évêque, au premier chef, comme président de l’Église locale, – préposé au don de Dieu en ce lieu –, exerce ce ministère apostolique à l’égard de la communauté dont il est à ce titre le premier serviteur – l’auctor, c’est-à-dire le garant qu’il n’y a de don que celui-ci que la foi des apôtres nous atteste et nous transmet.

            Comme les prêtres, les diacres collaborent à ce ministère apostolique mais à leur façon, modo suo. Ceux-là le font en leur qualité de présidents de communautés en communion avec l’évêque (médiation sacerdotale). Ceux-ci ne sont pas habilités à la présidence ecclésiale et eucharistique : ils servent en revanche le peuple de Dieu en ce lieu en exerçant leurs fonctions dans trois domaines ou « diaconies », la liturgie, la parole et la charité. C’est ainsi qu’ils aident, pour leur part, à la sauvegarde et à la promotion de l’identité apostolique et, de ce fait, évangélique de l’Église locale.

            Alors que l’évêque et les prêtres représentent sacramentellement le Christ et son unique médiation sacerdotale par leur ministère de présidence, les diacres autour de l’évêque qu’ils « assistent » figurent sacramentellement le Christ venu pour servir, c’est-à-dire donner sa vie pour la multitude (cf. Mc 10,45 ; Mt 20,28). Ils représentent sa condition de serviteur en tant que Fils par son acte parfaitement filial d’oblation vers le Père dans l’Esprit. Ils signifient et réalisent la dépendance de tous à l’égard de la seule oblation du Christ, serviteur du Père pour le salut du monde. Par son oblation filiale, le Christ sert le Père en même temps qu’il sert le monde en se donnant à lui. Par son Esprit, il entraîne toute l’Église à être davantage un peuple de serviteurs et à redonner au monde le goût du service.

« Le diacre, écrit Fr. Deniau, est donné à l’Église pour signifier que celle-ci, dans sa mission de service comme dans son travail d’évangélisation, trouve sa source dans la charité de Dieu, dans le mystère du Christ qui s’est fait notre serviteur jusqu’au don de sa vie et de sa mort, dans la communication de l’Esprit » [11]. Par conséquent, le diacre qui est au service de l’évêque et de son presbytérium, ira, à la façon qui lui est propre, « là où le requiert la sollicitude pastorale »[12] de ceux qui président aux communautés et à leur eucharistie. Un vaste champ d’insertion s’ouvre aux diacres pour contribuer suo modo à l’édification de l’Eglise et à l’annonce de l’Evangile en ce lieu.

 

3. Les diacres, garants officiels de la diaconie au nom du Christ et avec son autorité

En quoi le diaconat permet-il à l’Eglise d’être et de faire ce à quoi elle est appelée ? Son originalité, sinon sa spécificité à l’intérieur du sacrement de l’ordre permet d’apporter un premier élément de réponse : le diaconat contribue à l’authenticité apostolique de l’Eglise locale en signifiant que l’apostolicité de la foi se traduit en définitive ici et maintenant dans l’Evangile vécu par l’Eglise en ce lieu.

Garants de l’apostolicité de la foi, les diacres veillent à la qualité de la parole et des gestes transmis aussi bien dans le cadre de la liturgie que de la vie courante, dans les œuvres de charité, certes, comme dans les différents engagements en faveur de la société. Pas d’eucharistie sans lavement des pieds. Si l’eucharistie fait l’Eglise, en cela même que la participation au Corps eucharistique du Christ donne lieu à son Corps ecclésial, celui-ci est appelé à vivre la dynamique du don de soi, jusqu’à l’extrême (cf. Jn 13,1), indiquée par son Maître et Seigneur. Il nous faut cependant approfondir comment le ministère diaconal dans l’Eglise se déploie pour et par elle.  

Le ministère ordonné – ministère tri-articulé qui culmine dans l’évêque en tant que pointe unifiante [13] – agit dans l’Eglise pour signifier que le Christ est la tête de son Corps ecclésial. Il agit aussi pour elle, c’est-à-dire à la fois en sa faveur et à sa place. Cette action pour l’Eglise est particulièrement visible dans la liturgie et les sacrements où les ministres ordonnés interviennent selon l’expression classique in persona Ecclesiae, à savoir comme représentants officiels et porte-paroles [14]. Ce service ne remplace pas la participation active de l’assemblée, mais il la rend possible : il permet que l’Eglise soit toute entière prophétique, sacerdotale et royale. Les ministres ordonnés proclament la Parole afin qu’elle puisse être écoutée et crue par les fidèles pour en vivre ici et maintenant et aller jusqu’au bout du don de soi. Ils prient afin que les fidèles puissent élever leurs cœurs et leurs esprits dans la prière, qu’ils se joignent eux-mêmes au Christ dans sa prière filiale et son sacrifice de louange au Père et fassent à leur tour de leur vie un sacrifice agréable à Dieu par leur engagement en faveur de son Royaume, déjà inauguré.

Avant toute considération éventuelle du diaconat comme ministère exercé in persona Christi comme l’a induit le Code de droit canonique de l’Eglise latine (cf. c. 1008 § 1), il importe de nous arrêter sur celle que je viens d’employer à l’instant, in persona Ecclesiae, qui constitue avec la première comme un binôme dont le Sitz im Leben est la doctrine catholique de l’eucharistie dans son effort de comprendre la présence réelle du Christ. Il y a lieu de se demander si l’application de l’expression in persona Christi au ministère des diacres est judicieuse et même théologiquement correcte dès lors qu’elle a servi à comprendre un aspect du ministère sacerdotal des prêtres et des évêques dans leur présidence de l’eucharistie. Au préalable, il nous faut donc bien comprendre l’action officielle in persona Ecclesiae et sa portée extrêmement large : elle se déploie certes dans la liturgie mais elle concerne l’ensemble de la vie ecclésiale.

Comme l’écrit D.M. Ferrara commentant le sens et la portée de l’expression in persona Ecclesiae, le caratère « officiel » de l’action du prêtre – et j’élargis ici son propos à tous les ministres ordonnés – indique la vraie nature de la participation active de la communauté ecclésiale : porte-parole « autorisé », le ministre ordonné présente l’esprit et la foi de l’Eglise, il sert le bien commun en agissant comme représentant et gardien de la foi commune. Cette action in persona Ecclesiae n’est pas à comprendre comme une simple délégation démocratique ou un acte juridique par procuration. Théologiquement parlant, elle s’explique « par la grâce et le pouvoir de l’Esprit du Christ qui, habitant dans l’Eglise comme son ‘âme’ (cf. LG 7) à la fois l’unit au Christ et confère l’unité au corps lui-même (1 Co 12) » [15].

Il faudrait expliciter le double mouvement de l’Eglise. D’une part, il y a le mouvement ascendant de la prière de l’Eglise (tête et corps) : l’Eglise est unie avec et à travers le Christ vers le Père, per ipsum, cum ipso et in ipso, par l’Esprit « en qui nous confessons que Jésus est Seigneur » (1 Co 12,3), qui « prie en nous » (Rm 8,26), nous écriant ‘Abba, Père’ (Ga 4,6), afin que nous connaissions les dons de la grâce de Dieu (1 Co 2,10-12). Selon ce mouvement ascendant, la prière de l’Eglise est la prière de l’épouse indéfectible du Christ (Ep 5,25-27 ; Ap 22,18). D’autre part, il y a le mouvement descendant du don de la grâce à l’Eglise qui agit au nom et par le pouvoir du Christ qui « lui donne la vie en vue de la croissance du coprs » (Ep 4,16, cf. LG 8), en étant médiatrice de sa grâce et de son salut comme c’est le cas dans les sacrements, puisqu’elle a reçu l’Esprit (Ac 1,8), avec puissance de prêcher et d’agir au nom du Christ et avec son autorité (Lc 10,16, Mt 10,20, Jn 20,21-23). Les sacrements sont le sommet de cette activité réalisée « avec puissance » [16]. Ces quelques réflexions suffisent à nous rappeler en quel sens les ministres ordonnés agissent pour l’Eglise par le Christ, avec lui et en lui dans son Esprit (mouvement ascendant), et en son nom et avec son autorité toujours par son Esprit (mouvement descendant).

A partir de ce double mouvement qui traverse la médiation ecclésiale de l’action du Christ, D.M. Ferrara définit le sens de l’activité du prêtre in persona Ecclesiae. Si l’on s’accorde pour lui réserver l’action in persona Christi dans le récit de l’institution où le Christ lui-même rend présent sa réalité personnelle en son mystère pascal, à l’exception de la consécration, tout ce que fait le prêtre est en revanche opéré in persona Ecclesiae, comme représentant officiel et porte-parole de la communauté. On peut dès lors envisager d’appliquer mutatis mutandis l’action in persona Ecclesiae à cet autre ministre ordonné qu’est le diacre. Comme pour le prêtre (et l’évêque), elle prend deux formes corrélatives en fonction du double mouvement ascendant et descendant.

A l’instar des autres ministres investis au service de l’Eglise par le sacrement de l’ordre, les évêques et les prêtres, le diacre prie au nom et « dans la personne » de l’Eglise quand il lui revient d’officier dans la liturgie et de prononcer le « nous » des prières officielles – action typique du prêtre ou de l’évêque quand il prononce le « nous » de la prière eucharistique. A cette première forme d’action in persona Ecclesiae correspond corrélativement une seconde quand, toujours à l’instar des autres ministres ordonnés, le diacre parle pour l’Eglise avec puissance. C’est le cas chaque fois qu’il prononce le « je » rituel dans la célébration du baptême – « je te baptise » – dans lequel l’Eglise, par la puissance de l’Esprit, accorde la grâce de la vie nouvelle dans le Christ. Dans cette perspective, ce que dit D.M. Ferrara du prêtre qui prie « au nom de l’Eglise » et parle « pour l’Eglise » pourrait s’appliquer au diacre : « C’est seulement parce qu’il parle au nom de l’Eglise, ce qu’il est habilité à faire en vertu de son ordination, que le prêtre – et j’ajoute donc le diacre – parle(nt) pour le Christ et agi(ssen)t comme le(s) ministre(s) efficace(s) de l’action du Christ » [17].

Ce développement sur l’action in persona Ecclesiae concerne la liturgie mais il s’applique à l’ensemble de la vie de l’Eglise où « dans la personne de l’Eglise » les diacres prennent soin (en faveur) de celle-ci – pour le Corps ecclésial du Christ – dans l’annonce de la Parole comme dans le témoignage évangélique. Comme les autres ministres ordonnés – à qui cependant revient spécifiquement la présidence de la communauté et de son eucharistie – les diacres sont, pour leur part et à leur façon, les porte-paroles et les représentants officiels de l’Eglise enracinée dans la surabondance du don du Christ « pour la multitude ». Quand ils parlent (Evangile annoncé) et témoignent (Evangile vécu) in persona Ecclesiae, c’est non seulement pour l’Eglise qu’ils le font mais par l’Eglise, le Corps ecclésial du Christ tout entier – « tête et corps ». Certes, les diacres parlent et témoignent pour l’Eglise par le Christ, avec lui et en lui dans son Esprit (mouvement ascendant). Mais ils parlent et témoignent également au nom du Christ, avec son autorité et par la puissance de son Esprit (mouvement descendant).

Dans cette perspective, j’éviter la formule in persona Christi à propos de l’action diaconale [18]. Vatican II n’applique jamais cette expression aux fonctions du ministère diaconal. La Commission théologique internationale le rappelle expressément tout en reconnaissant que « cette façon de parler fera son chemin dans les documents postconcilaires » [19]. Elle cite le canon 1008 du Code de 1983... c’est d’ailleurs le seul texte qu’elle peut alléguer, car la mention d’un texte de Jean-Paul II, d’une part, et celle du Directoire de 1998, d’autre part, attestent autre chose ! Le Directoire préfère la formule in nomine Christi et je ne peux que m’en réjouir puisqu’il évite l’expression typiquement sacerdotale et eucharistique in persona Christi [20]. Quant à Jean-Paul II, en revanche, il utilise un verbe théologiquement problématique, à savoir « personnifier le Christ » [21]. Une telle expression « écrase » littéralement la distance qui doit exister dans le sacrement entre le sacramentum et la res, en assimilant le ministre au Christ alors qu’il s’agit tout au plus d’une repraesentatio.

Il me paraît plus correct théologiquement de qualifier l’action des diacres in nomine Christi. Cette formule est utilisée pour les évêques et les prêtres dès lors qu’elle ne qualifie pas nécessairement leur action dans le cadre de la consécration eucharistique. Et si d’aventure on se réfère à tel ou tel texte du magistère romain récent pour quand même parler d’une action in persona Christi, c’est au sens large et pas technique. La Commission théologique internationale s’empresse cependant de dire que la représentation du Christ comme serviteur par les diacres ne peut jouer le rôle d’un critère différenciateur « étant donné que le service doit être considéré comme une caractéristique commune à tout ministère ordonné » [22].

La Commission signale que le Catéchisme de l’Eglise catholique dans sa rédaction finale de 1997 n’utilise pas l’expression in persona Christi capitis pour qualifier les fonctions diaconales [23]. Même si l’on qualifie l’action des diacres in persona Christi capitis, encore faut-il caractériser leur manière spécifique de rendre présent ou plutôt de « représenter » le Christ, différente du ministère des évêques et des prêtres.

Si les évêques et les prêtres sont habilités à rassembler le peuple de Dieu au nom du Christ dans l’Esprit-saint, les diacres sont habilités, en vertu de leur ordination, à œuvrer au rassemblement ecclésial en train de se faire [24]. Or, n’est-ce pas justement une dimension de la mission ? « Faire Eglise », c’est laisser retentir une Parole de Dieu qui convoque l’humanité à l’alliance et l’invite à entrer dans la surabondance du don. C’est contribuer à donner forme à ce rassemblement qui au cœur de l’histoire fait passer l’humanité dans cette dynamique du don. C’est surtout relancer continuellement cette Parole d’alliance, car l’Eglise est un horizon sans cesse à dépasser puisque Dieu convoque tous les êtres humains à l’alliance. Faire-Eglise, c’est la mettre en état de mission. C’est nourrir en elle l’inquiétude de l’universel.

Mais n’est-ce pas aussi ce à quoi sont habilités les fidèles laïcs qui se voient confier un ministère, sinon même tous les chrétiens en vertu même de leur baptême dès lors qu’ils témoignent au cœur de ce monde de l’Evangile de la grâce ? On revient au « spécifique » qui, comme dit plus haut, ne peut simplement consister dans le service. De plus, on trébuche aussi par ce biais sur la fameuse objection, surtout dans le domaine des tâches liturgiques et sacramentelles : « ce que font les diacres, les laïcs peuvent le faire ». D’où la question de savoir à quoi habilite la réception de l’ordination diaconale. On ne pourra pas éviter, par ce biais, la question des potestates dont une juste compréhension suppose d’abord et avant tout l’ancrage du ministère dans l’Eglise locale. Mais c’est en situant l’Eglise locale au coeur de son environnement, au sein de la société ambiante, que l’on dépasse la simple question des « tâches qui seraient exclusives au diacre »[25].

 

4. Le diaconat et la diaconie de l’Eglise, sa mission au cœur de ce monde

Le spécifique de l’action diaconale serait sa qualité formelle d’attestation publique et de garantie officielle de l’apostolicité de la foi. La fonction « traditionnelle » des diacres durant les premiers siècles consistait dans le service des pauvres, la sollicitude à l’égard des petits, l’attention aux laissés-pour-compte. Elle se doublait de leur intervention dans la liturgie pour faire part de la prière et des offrandes de la communauté et lui partager en retour la sang du Christ et le zèle évangélique nécessaire à sa mission.

Si les ministères se situent « comme des services de cela même que la communauté est appelée à être et à faire », en quoi alors le ministère diaconal signifie en la réalisant et réalise en la signifiant la mission de l’Eglise ? Les diacres signifient certes le Christ serviteur et opèrent un effet d’entrainement pour mettre l’Eglise en état de service. Les diacres sont appelés, consacrés et envoyés – en vertu même de l’ordination qui implique un processus d’élection, de consécration et d’envoi – pour signifier en la réalisant la diaconie de toute l’Eglise et la réaliser en la signifiant « au nom du Christ et avec son autorité » et avec la puissance de son Esprit en référence au choix et à l’envoi des Douze par le Christ.

Or, cette « diaconie de l’Eglise »[26] s’opère au cœur de l’histoire : elle est certes « pour le monde » ou plutôt au sein de notre humanité, pour donner corps ecclésial aux êtres humains à qui Dieu veut faire part de sa grâce. L’Eglise n’a pas son but en elle-même. Elle atteste le Royaume inauguré par la Pâque du Christ et la Pentecôte de l’Esprit et œuvre pour son avènement en cours dans l’histoire dans l’attente de sa pleine réalisation. A la suite de son Seigneur, c’est toute l’Eglise pérégrinante qui sert l’avénement du Royaume au cœur de l’histoire dans l’attente de la consommation du monde et de l’Eglise dans la Jérusalem céleste.

Dans la dynamique pascale du baptême qui rétablit dans la dignité d’enfant de Dieu et instaure une fraternité, l’Eglise sert, par la Parole qu’elle annonce, célèbre et atteste, le rétablissement des êtres humains dans leur dignité foncière d’enfants de Dieu et conjointement la promotion d’une véritable fraternité où les petits, les pauvres et les laissés-pour-compte sont déjà maintenant les premiers invités à l’alliance. Les diacres attestent ce que l’Eglise est appelée à être au cœur de ce monde – une Eglise servante et pauvre à force d’être sanctifiée en prenant au sérieux l’Evangile – et à faire – une Eglise qui passe dans cette dynamique du don du Christ par l’Esprit et fait part de la surabondance de l’amour de Dieu.

Dans la triple diaconie – ou triple charge (lat. munus) – de l’Evangile annoncé, célébré et vécu par toute l’Eglise et l’ensemble des baptisés, c’est au premier chef la charge de l’Evangile vécu ou « diaconie de la charité » que les diacres sont appelés à manifester de sorte qu’elle ait toute sa valeur christique [27]. Ils ont la charge de témoigner que la charité chrétienne résulte du don du Christ aux êtres humains que Dieu aime. N’a-t-il pas justement donné sa vie pour ses amis (cf. Jn 15,13-15) ? Les diacres vont ainsi partager la sollicitude du Christ pour ses frères et sœurs en humanité, lui qui est venu pour servir, c’est-à-dire pour donner sa vie pour la multitude (cf. Mc 10,45). Or, cet amour du Christ pour nous de la part du Père transfigure nos amours, notre solidarité avec les autres, notre entraide à l’égard de ceux qui sont dans le besoin. Tout être humain devient ainsi un frère ou une soeur aimé de Dieu. Le service des êtres humains est dès lors inséparable du service de Dieu. Les diacres vont traduire cette « diaconie de la charité » au ras du quotidien, là où l’Eglise les envoie – « là où le requiert la sollicitude pastorale » [28]. Car c’est bel et bien comme ministres de l’Eglise qu’ils vont, par leur présence au cœur de l’histoire où germe déjà le Royaume, dire la sollicitude du Christ pour tout être humain.

Pourquoi ne pas tenter le rapprochement avec ce qui a été l’intuition majeure des prêtres-ouvriers [29] ? Comme eux, les diacres aujourd’hui témoignent « en pleine pâte humaine » de cette sollicitude du Christ, de l’amour du Père, de l’action de l’Esprit « au cœur de ce monde ». Mais à la différence des prêtres-ouvriers, les diacres sont en général dès le départ dans cette « pâte humaine » où germe le Royaume : le milieu professionnel, socio-culturel ou associatif où ils sont engagés, ou le service de type caritatif ou humanitaire, allant du social au médical en passant par l’éducation. Avant même leur ordination, les diacres étaient dèjà dans ces milieux comme baptisés. C’est « là » au cœur de ce monde que l’Eglise prend corps et que l’histoire est tendue vers « le monde qui vient ». Désormais, par leur ordination, ils y sont appelés, consacrés et envoyés comme ministres de l’Eglise, serviteurs de l’Evangile certes, mais surtout témoins autorisés du don extrême du Christ, et à ce titre garants de l’apostolicité de la foi qui requiert l’oblation de soi.

N’est-ce pas précisément cela veiller à l’identité apostolique de la foi, concrètement par la charge de la charité ? Ainsi par la qualité évangélique de l’exercice de leurs tâches – de l’entraide à l’égard des pauvres à l’administration du patrimoine ecclésiastique en passant par les multiples réalisations de la solidarité ecclésiale avec les exclus et marginaux de tous genres – les diacres encouragent leurs frères et soeurs dans la foi à prendre l’Évangile au sérieux. De plus, par leur insertion séculière, leurs engagements profanes, leurs tâches diaconales « en pleine vie », ils donnent un signal fort, oserais-je dire, que l’Eglise prend corps en ce lieu dans l’attente de l’achèvement eschatologique du monde où elle est tendue vers la Jérusalem céleste.

Dans cette perspective, « c’est la diaconie même des baptisés qui vivent la même situation séculière qui est révélée dans toute sa dimension et sa profondeur » [30].  On peut objecter que la diaconie de la charité revient à tout baptisé, mais dans le rapport symbolique où quelques-uns manifestent ce que tous sont appelés à être et à faire, le ministère diaconal dévoile toute l’importance de l’offrande des baptisés jusqu’à l’extrême en même temps qu’il la stimule en lui donnant le sceau de l’apostolicité. Seule une compréhension symbolique du ministère de quelques-uns garants de l’apostolicité permet de dépasser l’objection courante reposant sur la diaconie de tous. Dans le respect de l’autonomie des réalités terrestres et la pleine reconnaissance de l’engagement des baptisés, c’est l’exigence intrinsèque de la « diaconie de l’Eglise » – enracinée dans la diaconie du Christ – que les diacres attestent publiquement comme ministres et qu’ils garantissent officiellement en vertu de leur ordination.

La charge de la charité comme ministère du don de la vie du Christ est cependant intrinsèquement liée à la liturgie où se célèbre, dans la prière, son offrande filiale et se vit l’action de grâce par la mémoire du mystère pascal. L’agir liturgique des diacres est au service du sacerdoce baptismal de tous en suscitant une participation active et féconde des fidèles. Il est conjointement au service du ministère sacerdotal de présidence pour que celui-ci opère in persona Christi la présence réelle du mystère pascal par lequel l’Esprit nous sanctifie et fait de nous « une éternelle offrande » à la gloire du Père [31].

 

5. L’effet instituant et habilitant de l’ordination diaconale

On comprend dans ce sens que je parle d’attestation publique, c’est-à-dire au nom de la collectivité (et non pas à titre privé), à savoir l’Eglise toute entière « tête » et « corps », et de garantie officielle, c’est-à-dire attribuée par l’autorité compétente (et non par soi-même), de nouveau par l’Eglise toute entière, en particulier par ses pasteurs, les évêques, successeurs des apôtres, témoins et garants de l’apostolicité de la foi.

On comprend mieux aussi que ce n’est pas purement et simplement ce que font les diacres qui les spécifient, mais la qualité formelle de leur mission comme ministres ordonnés qui portent au nom de l’Eglise locale la préoccupation du témoignage évangélique dans l’histoire où germe le monde qui vient. C’est le ministère apostolique pour lequel ils ont été investis – dès lors que l’on tient à l’unité du sacrement de l’ordre – qui spécifie leur mission, les tâches qu’elle comprend et la présence « en pleine vie » qu’elle requiert.

On comprend également que ce soit la charge de la charité qui imprègne le ministère de la Parole et de la liturgie : la manière d’exercer la charge de la charité colore, détermine et guide la façon d’exercer les deux autres [32]. Leur fonction de garants – au nom du Christ et avec son autorité – de l’apostolicité la foi vécue fait que c’est à partir de l’Evangile vécu qu’il leur revient de l’annoncer et de le célébrer [33]. Mais les trois charges sont organiquement liées entre elles.

On comprend enfin que l’ordination diaconale n’est pas l’officialisation de ce que l’on faisait déjà. On ne peut pas parler d’un « ministère vraiment diaconal » (cf. AG 16f), du moins formellement parlant, antérieur à l’ordination ; tout au plus faut-il reconnaître des tâches que des laïcs peuvent accomplir et que le droit ecclésial attribue normalement aux diacres [34]. A mon sens, cette équivalence de tâches ne peut suffire à elle seule à mettre en cause la sacramentalité du diaconat [35].

« L’ordination, écrit H. Legrand, n’est donc pas déclaratoire mais instituante » [36]. Elle situe en effet quelqu’un de manière nouvelle dans l’Eglise ; il demeure membre du peuple de Dieu, inscrit dans la fraternité ecclésiale, en même temps qu’il est posé face à ses frères et sœurs, comme vis-à-vis pour leur signifier que l’Eglise vient (tient) du Christ par l’Esprit. Pour paraphraser un passage de Vatican II relatif au ministère sacerdotal (LG 10b), il n’y a pas simple différence de degré entre la diaconie de tous et le ministère diaconal de quelques-uns comme si celui-ci était le prolongement, voire l’officialisation de celle-là. En vertu même de l’ordination sacramentelle, il y a une différence constitutive, au double sens d’essentielle et d’instituante, qui habilite quelques-uns pour le service de tous au nom du Christ, avec son autorité et dans la puissance de son Esprit [37]. Le sacrement de l’ordre les prend dans toute leur vie et pour toute leur vie, de manière irréversible – le don de Dieu étant sans repentance – pour mettre l’Eglise en état de mission. Cela présuppose leur incardination, à savoir leur attachement à l’Eglise locale qui désormais s’effectue par la réception du diaconat [38].

Ce service de l’Eglise et de sa mission en ce lieu est clairement signifié dans l’ordination d’un évêque « diocésain », appelé, consacré et envoyé dès son ordination à être le pasteur du diocèse qui lui est, de ce fait, confié. Pour les prêtres et les diacres qui assistent l’évêque dans le « ministère de la communauté » (LG 20b), ce service ne découle pas purement et simplement, ni immédiatement de la réception de l’ordination, mais il découle d’une désignation à une fonction ecclésiale (lat. officium, un « office » au sens technique du terme selon le c. 145 §1) ou du moins à une charge ecclésiale (lat. munus).  C’est l’ordination qui leur donne l’aptitude à collaborer à la mission de l’évêque diocésain « là où le requiert la sollicitude pastorale »[39]. Ils ont une aptitude inhérente à leur condition d’ordonnés à recevoir un ministère alors que chez les fidèles laïcs cette habilitation dépend de leur idonéité et de l’appel de l’Eglise (cf. c. 228 § 1) [40].

On rejoint ici le souhait de Vatican II « d’enraciner toute potestas sacra dans l’Eglise de façon sacramentelle » ainsi que le rappelle la Commission théologique internationale [41]. Je dirais volontiers que l’ordination confère une potestas – un « pouvoir », c’est-à-dire une habilitation juridiquement parlant, une compétence dirait-on simplement – mais il faut ajouter que cette potestas appelle, implique même son executio, sa mise en exercice qui relève d’une régulation canonique [42]. La potestas inhérente à l’ordination est mise en exercice par l’attribution d’une fonction ou d’une charge ecclésiale : pour l’évêque diocésain, c’est le ministère du diocèse qui lui est confié (à savoir l’assignatio subditorum, cf. NEP 2b), pour les prêtres et les diacres, c’est aussi bien les fidèles ou la communauté auxquels l’évêque les envoie que le ministère ou le service qu’ils exercent en leur faveur.

 

6. La pertinence sacramentelle du diaconat pour la mission de l’Eglise

D’emblée, j’ai voulu ancrer le diaconat dans l’Eglise de Dieu qui se réalise en ce lieu. C’est du coup le référer à la mission de l’Eglise locale par rapport à son environnement. Parce qu’elle est par vocation et par mission « extravertie », l’Eglise locale se doit d’être décentrée d’elle-même pour être attentive aux traces de l’Esprit dans le cœur des êtres humains, dans leur vie quotidienne comme dans les événements. Elle est, par vocation et par mission, tournée vers le monde pour lui dire l’amour de Dieu. C’est bel et bien dans et pour l’Eglise locale, c’est-à-dire en sa faveur, et en vue de sa mission en ce lieu, que les ministres sont ordonnés ; ils sont appelés, consacrés et envoyés pour servir la communion de grâce, la promouvoir et l’attester, c’est-à-dire stimuler la mission en ce lieu. En quoi le diaconat peut-il être aujourd’hui sacramentellement pertinent pour la mission de l’Eglise, à savoir pour le service que celle-ci est appelée à rendre au cœur de l’histoire, dans la société où elle est envoyée ?

Dans un contexte sécularisé et postmoderne – différent du monde de l’Antiquité, avant et même après le tournant constantinien – le diaconat permet d’instaurer des rapports nouveaux entre Eglise et société en les ouvrant à leur consommation dans la Jérusalem céleste. C’est dans cette relation traversée par la tension eschatologique que se jouent en définitive la raison d’être et la finalité du diaconat.

Pour nos contemporains qui ne relient plus spontanément le religieux au social, la présence de ces ministres de l’Eglise que sont les diacres dans les réalités séculières dit la nécessaire incarnation de la foi. Tous les baptisés doivent incarnés leur adhésion à Jésus-Christ par leur service de leur frères et sœurs en allant jusqu’au bout du don de soi. Le diaconat « en pleine vie » peut encourager et soutenir la diaconie de tous de sorte qu’un peuple enraciné dans l’oblation du Christ prenne corps par la puissance de so Esprit. Au moment, en effet, où la foi est privatisée dans le sens d’être cantonnée à la sphère privée, ultime espace de relégation de la religion, la présence de diacres rappelle que l’adhésion de foi à Jésus-Christ engage à laisser germer au cœur de ce monde le monde réconcilié, plus fraternel auquel nous sommes promis dans le Royaume de Dieu. Elle rappelle qu’il n’y a de service de Dieu que par ce service rendu à notre humanité en lui signifiant sa dignité, en luttant pour sa réconciliation par la croix et en lui donnant corps comme Eglise de Dieu en marche. Elle rappelle que la « religion » a foncièrement à voir avec la vie des gens, leur destinée individuelle et leur aventure collective parce que Dieu s’est relié à notre humanité promise à l’alliance.

Ensuite, le fait que des ministres ordonnés ne soient pas seulement perçus comme affectés au culte, induit que l’Eglise – son organisation autant que ses activités – n’est pas centrée sur elle-même. Elle n’a de sens que pour et par ce « monde qui vient », la réalisation du Royaume, l’accomplissement des promesses de bénédiction, l’alliance de Dieu avec notre humanité. En principe, les fidèles laïcs ont comme signe d’indentité d’aimer et de s’aimer comme le Christ nous a aimés (cf. Jn 15,12). C’est l’amour ou la surabondance du don qui est la clé de la réussite de notre humanité – créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. La mission de l’Eglise en ce lieu et dès lors celle des baptisés qui la composent, c’est relier cela avec la communion de grâce à laquelle ils ont déjà part, que Dieu offre à tout être humain et qui prend corps dans l’Eglise pérégrinante. La présence des diacres « en pleine vie » doit contribuer officiellement à décentrer l’Eglise et à l’axer sur ce monde qui vient.

L’Eglise est « présente au monde » de multiples manières : par le témoignage personnel des baptisés, par les projets évangéliques des mouvements apostoliques qui visent à exercer une action collective sur les mentalités, par les organismes et institutions catholiques qui, au nom de l’Église, exercent une action caritative, éducative, humanitaire, par les aumôneries carcérales et hospitalières, etc. « Le diaconat ne se confond avec aucune de ces formes de présence », écrit Michel Manceau et il ajoute : « Mais il peut s'inscrire dans chacune, tout en inventant au niveau symbolique une nouvelle forme de présence, très en phase avec l’affirmation de l'autonomie des réalités séculières [43] ».

Le diaconat peut contribuer à la réintégration du ministère au cœur de l’existence des hommes et de l’histoire souvent tragique du monde. Il est un ministère de présence ou, pour mieux dire, de proximité dans la mesure où l’on entend celle-ci comme l’action de se rendre proche – de devenir le prochain de l’autre. Le diaconat symbolise toute l’Eglise pérégrinante qui se tient « au seuil » et, en même temps, le rassemblement ecclésial en train de se faire autour de l’autel – pour que l’eucharistie soit célébrée en vérité : le sacrement de l’autel ne peut être séparé du sacrement du frère.

Dans cette perspective, le diaconat pourrait être une chance, et même un gage d’une meilleure inculturation de la foi. Par l’expérience du couple et de la famille pour la quasi-totalité des diacres, par leur insertion professionnelle et les relations sociales qu’elle implique, les diacres sont au carrefour du vécu des gens et de l’attention que lui porte l’autorité pastorale. La vie des gens, leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs angoisses, peuvent mieux affecter la réflexion des pasteurs et leur responsabilité de guidance à la lumière de l’Evangile – celui-ci étant enrichi par l’expérience autant que celle-ci se laisse questionner, interpeller et orienter par lui. Comme le souligne H. Legrand, le rétablissement du diaconat ouvre ainsi la possibilité d’une meilleure articulation entre les espaces sociaux et l’espace ecclésial : «  les diacres sont en mesure de rendre la vie de l’Eglise plus familière à bien des gens et surtout l’expérience et le capital culturel qui sont les leurs, ne peuvent que rejaillir avec des effets généralement décléricalisants sur le ministère de la Parole, sur la façon de célébrer les baptêmes et les mariages, sur les processus de décision au sein des Eglises »[44]. N’est-ce pas ainsi que le diaconat contribuera à la catholicité de la foi, c’est-à-dire à la capacité de l’Evangile d’être parlant pour tout être humain dans la mesure où chacun se sent et se sait rejoint par la Parole de Dieu ?

 

7. Pour une véritable réception du rétablissement du diaconat

            L’expérience nous apprend que le principe du rétablissement du diaconat n’est pas acquis pour toutes les Eglises locales. Et là où le principe est devenu réalité, les faits attestent comme deux grandes orientations : d’une part, un diaconat « en pleine vie » plus centré sur l’insertion professionnelle, l’engagement associatif ou la présence dans des services ; d’autre part, un diaconat plus sensible aux besoins de l’activité pastorale, en particulier la catéchèse mais surtout la liturgie et l’administration des sacrements.

A mon avis, cette seconde orientation risque de prendre le dessus dans les Eglises d’Occident à cause de la raréfaction des prêtres. Le diaconat continuera dans ce cas à être perçu comme un « ministère de suppléance presbytérale » [45]. Dans l’hypothèse pressentie par beaucoup d’une irrémédiable chute des effectifs presbytéraux en fonction du type d’accès au presbytérat (pour des jeunes célibataires), il y a des raisons de croire que l’Eglise appellera d’abord des diacres au ministère presbytéral soit parce que la discipline de l’Eglise latine aurait changé en la matière, soit parce que le pouvoir de dispense de l’empêchement de mariage ne serait plus réservé au Pape (c. 1042,1° cf. c. 1047 § 2,3°) [46]. Dans ce cas, le diaconat pourrait disparaître à nouveau – ou se maintenir comme étape préalable de viri probati vers le presbytérat.

C’est au rétablissement durable du diaconat « en pleine vie » que je songe ici. Celui-ci ne sera pas sans traduction liturgique, car, plus que ce l’expérience nous montre, en France en particulier, il devra avoir le souci de relier service de la charité et ministère de l’autel. C’est ici que se pose un défi difficile à relever dans l’espace francophone et surtout dans l’Hexagone, à savoir celui de dépasser le clivage maladif entre le « vécu » et le « culte », la liturgie et la vie qui, à bien y réfléchir, est une transposition d’une compréhension binaire entre Eglise et monde. On connaît la conséquence rapide tirée d’un tel rapport faisant du diacre l’homme de terrain – « à la base » – introduit dans l’Eglise, comme la présence en elle de ce qu’est le « monde » [47]. Or, seule l’ouverture au monde qui vient permet de dépasser la relation d’extériorité entre Eglise et monde comme si l’un et l’autre étaient deux domaines juxtaposés, voire étanches, et qu’il s’agissait de passer de l’un à l’autre ou de traverser un mur qui les séparerait. Seule une perspective eschatologique ouvre à une compréhension ternaire entre monde, Eglise et Jérusalem céleste. Les chrétiens, qu’ils soient ordonnés ou non, sont dans l’Eglise autant que dans le monde.

L’ancrage dans l’Eglise locale et de sa pluriministérialité est un jalon primordial pour l’élaboration d’une théologie du diaconat antérieurement à toute autre considération, notamment de la sacramentalité de ce ministère. Utiliser celle-ci comme critère central pour expliquer le diaconat, c’est risquer d’en rester à une considération abstraite et idéaliste qui ne rend pas suffisamment compte qu’il s’agit d’un ministère dans, pour (en faveur) et par le peuple de Dieu en ce lieu. Un peu comme l’affirmation de la sacramentalité de l’épiscopat qui inscrit dans un corps d’évêques mais ne dit pas assez le lien à un peuple, l’Eglise de Dieu en ce lieu. Or, c’est précisément la communion de ce peuple et en définitive sa mission qui fondent la sacramentalité d’une grâce donnée pour une mission en référence au choix et à l’envoi des Douze par le Christ.

C’est l’Eglise comme communion/mission qui fonde la sacramentalité et non l’inverse. Celle-ci, d’ailleurs, ne la crée pas mais l’atteste. Le sacrement de l’ordre institue quelqu’un dans ce ministère d’attestation ou de garantie d’apostolicité : il le positionne et l’habilite à servir l’Eglise au nom du Christ, avec son autorité et dans la puissance de son Esprit. C’est après avoir souligné l’unité du sacrement de l’ordre que j’ai voulu alors présenter les diacres comme garants officiels de la diaconie de l’Eglise – c’est-à-dire de sa mission de servir l’humanité, en se donnant jusqu’à l’extrême.

Le diaconat laisse entrevoir sa singularité en reconfigurant les relations entre l’Eglise et la société dans la perspective du monde qui vient : ces relations dépassent le clivage entre sacré et profane ou entre religieux et social. Elles signifient de manière autorisée la nécessaire incarnation de la foi qui affecte l’histoire humaine. Elles donnent à voir une Eglise décentrée – jusqu’il y a peu trop préoccupée de l’image qu’elle donne et des effets de son évangélisation. L’Eglise ne vit pas pour elle-même !

Ces relations entre l’Eglise et la société dépassent une perception simplement cultuelle du ministère ordonné et engagent une juste compréhension du lien entre le ministère de l’autel et le service de la charité. Cela encourage à faire preuve de sagacité théologique pour ne pas faire n’importe quoi des diacres. C’est pourquoi dans leur affectation à une mission – la fonction ou la charge ecclésiale qui leur sera confiée – il importe d’exercer une vigilance canonique sur la cohérence de la lettre de mission et l’articulation du ministère diaconal avec les autres ministres de la sainte Eglise de Dieu. Dans les bouleversements présents et à venir dûs à la sortie de chrétienté, il est souhaitable d’assurer au mieux un accompagnement des diacres dans l’exercice de leur mission par une évaluation des tâches confiées avec leurs partenaires dans la mission, le cas échéant par une supervision de leur ministère, sans négliger un bon soutien spirituel.

Ces relations entre l’Eglise et la société traduisent un éventail de « présences au monde » de l’Eglise qui inculture sa foi en retour et rend crédible la catholicité confessée dans le Credo. Cela supposera que l’on tienne compte des besoins de l’Eglise locale et que l’on privilégie certains réalités comme la pauvreté, la proximité et la prière. Il ne faudra pas négliger une bonne information des baptisés sur le diaconat et une formation du peuple de Dieu à l’accueil de ce ministère qui lui signifie le don du Christ jusqu’à l’extrême et sa valeur rédemptrice.

Ces relations reconfigurées entre l’Eglise et la société favorisent une réintégration du ministère au cœur de l’existence des hommes et de l’histoire souvent tragique du monde – dans lesquels, comme un germe, l’espérance du Royaume est à l’œuvre. Au sein du ministère apostolique, ne serait-ce pas cela la grâce du diaconat ?

 

 

Alphonse Borras, Université Catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve)



[1] Cf. Commission théologique internationale, « Le diaconat. Evolution et perspectives », DC 100 (2003), 58-107 ; ce document sera ultérieurement cité : CTI, « Le diaconat ».

[2] Je ne reprends pas ici mes réflexions relatives à la sacramentalité du diaconat, à une compréhension trinitaire du sacrement de l’ordre, à la question des trois degrés ou « ordres » ou encore concernant le caractère diaconal, telles que je les ai développées dans A. Borras, « Repères pour une théologie du diaconat », Prêtres diocésains n°1371 (1999), 622-644. Je ne reprends pas non plus des considérations faites par B. Pottier et moi-même dans la première édition de notre ouvrage sur le diaconat : A. Borras et B. Pottier, La Grâce du diaconat. Questions actuelles autour du diaconat catholique latin, Bruxelles, Lessius-Éd. du Cerf, 1998 (prochaine édition, revue et augmentée pour fin 2004).

[3] L’étymologie du mot communion connote une participation solidaire à une charge, un devoir qui incombe solidairement (lat. cum-munus), un « avoir part » et dès lors un « prendre part ». Cf. L.-M. Dewailly, « Communio-communicatio. Brèves notes sur l’histoire d’un sémantème », Revue des Sciences philosophiques et théologiques 54 (1970), 43-63. Parce qu’elle participait aux sancta – aux choses saintes et d’une manière éminente aux sacrements, tout spécialement à l’eucharistie, et par eux à la vie de grâce qu’ils signifient et réalisent –, l’Eglise a eu très tôt conscience qu’elle était une communion de sancti, une communauté d’hommes et de femmes sanctifiés par la grâce de Dieu. Cf. H. de Lubac, « Sanctorum communio », dans Théologies d’occasion, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, 11-35.

[4] J. Doré & M. Vidal, « Introduction générale. De nouvelles manières de faire vivre l’Église », dans J. Doré & M. Vidal (dir.), Des Ministres pour l’Église, Paris, Bayard Éditions /Centurion – Fleurus-Mame – Éd. du Cerf, coll. « Documents d’Église », 2001, 14.

[5] Y. Congar, « Mon cheminement dans la théologie des ministères » et « Ministères et structuration de l’Église », dans Ministères et communion ecclésiale, Paris, Éd. du Cerf, 1971, respectivement p. 7-30 et 31-49. Je fais ici référence à la p. 19. Sans doute est-ce, – du moins à mes yeux –, une déficience de l’étude de la Commission théologique internationale de ne pas ancrer d’emblée la considération du diaconat dans une théologie de l’Eglise locale. Certes, elle traite du diaconat dans une « ecclésiologie de communion », mais seulement à la fin, juste avant la conclusion, et cette perspective n’est pas explicitement la communion ecclésiale en ce lieu, celle de l’Eglise locale, mais une approche abstraite et universaliste de la communion. A cela s’ajoute l’insistance sur la sacramentalité de l’ordre et dès lors du diaconat dans une perspective « en soi » également abstraite sans la relier à la communauté ecclésiale dans, pour et par laquelle le sacrement de l’ordre signifie l’action du Christ, tête du Coprs ecclésial édifié par son Esprit. Car c’est le Christ qui construit son Corps par l’Esprit.

[6] Cf. CTI, « Le diaconat ». 81-83, 94-96.

[7] Je renvoie volontiers à l’étude théologique de A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », Communio 26/2 (2001), 29-51, en l’occurrence p. 48-49.

[8] A. Grau, art. cit., 48.

[9] A. Grau (art. cit., 50) conclut que « la vie de tout ministre est scellée par la kénose, mais, dans le diacre, celle-ci atteint son terme, puisqu’il se trouve dépouillé de tout ‘pouvoir’, y compris du dépouillement qui est la source des pouvoirs sacrés et qui permet d’agir in persona christi capitis » (ib.). Dans le cas du diacre, la « diaconie » est en quelque sorte à l’état brut si on comprend son ministère dans la foulée de la « diaconie du Christ ». Je ne dirais cependant pas qu’« il (le diacre) ne peut rien » : cette affirmation s’entend dans le cadre classique de la potestas conficiendi sacramenta, dans ce sens il ne joue pas in persona Christi, fonction typiquement sacerdotale d’effacement dans la réalisation de la présence réelle du Christ par lui-même dans l’action eucharistique (voir plus loin dans cet article). Mais elle n’implique pas nécessairement l’absence de « pouvoir(s) sacré(s) » au sens canonique : l’ordination habilite à exercer une fonction ou une charge ecclésiale, en  ce sens elle confère une potestas sacra (voir plus loin dans cet article).

[10] Cette affirmation est une formule abrégée d’un extrait de la Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome (début du 3e s.) qui disait « pour le ministère de l’évêque ». Les diacres ne sont pas ordonnés pour le sacerdoce de l’évêque, à savoir pour la médiation sacerdotale qu’il exerce au nom du Christ-Tête par laquelle, dans l’Esprit saint, son Corps ecclésial s’offre au Père en action de grâce par le Christ, avec lui et en lui.

[11] F. Deniau, « Mille diacres en France », Etudes 383/5 (1995), 529.

[12] La formule est de la CTI, « Le diaconat », 92.

[13] Selon l’expression de J. Ratzinger, « Les implications pastorales de la doctrine de la collégialité des évêques », Concilium 1 (1964), 37.

[14] Pour une interprétation de cette action in persona Ecclesiae, D.M. Ferrara, « In persona Christi. Valeur et limite d’une formule », LMD 215 (1998/3), 59-78. Cette étude nous prévient que l’expression in persona Christi se comprend en lien avec l’action in persona Ecclesiae. Elle a son Sitz im Leben, dirais-je, dans la compréhension de l’action singulière du Christ dans la consécration eucharistique ou plus exactement dans le récit de l’institution par lequel le Christ « se » rend présent : sans aucune intervention de l’Eglise ni de ses ministres, le Christ rend présent sa réalité personnelle en son mystère pascal sur lequel est fondé l’Eglise (cf. p. 76). Cette présence fondatrice est un don de la grâce dans son sens strict, créatif de gratia operans, et pour cette raison, elle ne peut être causée que par Dieu seul, comme le souligne D.M. Ferrara (ib.) en référence à saint Thomas d’Aquin (Sum. Theol. III, 78, 2 ad 2 ; 75.4) et à Paul VI (encyclique Mysterium fidei du 3 septembre 1965). L’axiome in persona Christ veut servir et protéger la doctrine catholique de la transsubstantiation et de la présence réelle (p. 72). Pour éviter tout usage extensif et dès lors abusif de l’axiome in persona Christi qui négligerait son sens et sa portée eucharistique, il importe de rappeler avec force qu’à l’exception de l’acte de la consécration, tout ce que le prêtre fait dans la célébration de l’eucharistie est fait in persona ecclesiae, « à la place de l’Eglise » : en consacrant il parle comme dans la personne du Christ (Sum. Theol. III, 83, 7 ad 3.). A l’instar de l’évêque, le prêtre a reçu par l’ordination la capacité de présider (cf. LG 26 et 28 ; SC 42) ; par l’évêque, il est en lien avec l’Eglise entière, vu le lien de l’évêque au collège épiscopal uni sous l’autorité du pape et établi, en vertu de la succession apostolique, en communion avec l’Ecclesia fundata super apostolos. Même s’ils ne sont pas ordonnés pour présider le corps ecclésial et son eucharistie, les diacres exercent en l’absence de prêtre un rôle de présidence qui tient précisément à la fonction du ministère ordonné d’attester et de garantir l’apostolicité de l’Eglise. C’est le sens de leur préséance dans les assemblées dominicales non eucharistiques où il leur revient à proprement parler de présider en vertu de l’apostolicité du ministère alors que les fidèles laïcs « dirigent » ou « animent » cette action liturgique.

[15] Cf. D.M. Ferrara, « In persona Christi. Valeur et limite d’une formule », 63. La caractérisation de l’Esprit saint comme anima Ecclesiae fait comprendre l’union analogique du Christ et de l’Eglise comme « l’union du corps entier, tête et membres ». Cette union du Christ et de l’Eglise, comme deux sujets, est « analogique » puisqu’elle est effectuée par une autre personne divine, l’Esprit-saint (Sum. Theol. I, 1, 7c), mais elle ne peut aucunement être entendue comme l’union hypostatique du divin et de l’humain (unio in persona divina).

[16] On lira le développement de D.M. Ferrara concernant le rôle vivifiant de l’Esprit saint (rôle descendant) est décisif pour comprendre l’axiome selon lequel « le Christ agit dans les sacrements » (D.M. Ferrara, « In persona Christi. Valeur et limite d’une formule », 63-66). Les sacrements sont considérés comme le don efficace de la grâce du Christ ; ils sont accomplis par l’Eglise par la puissance de l’Esprit qui habite en elle. Les sacrements sont directement et immédiatement des « actes de l’Eglise elle-même », actes dont elle est le sujet le plus proche et dans lesquels elle actualise sa nature de « sacrement primordial du Christ ». Les sacrements sont actes du Christ en tant qu’actes de médiation accomplis par l’Eglise : un sacrement est en effet « un acte de salut personnel du Christ céleste lui-même, dans la forme de manifestation visible d’un acte fonctionnel de l’Eglise » (E. Schillebeeckx, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, Paris, Cerf, coll. « Lex orandi » n° 31, 1960, 83).

[17] D.M. Ferrara, « In persona Christi. Valeur et limite d’une formule », 66.

[18] C’est implicitement la position qui se dégage de la réflexion de A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », 50. Quant à la CTI, elle allègue quelques passages de Vatican II à propos des évêques qui agissent in persona Christi (« Le diaconat », 95, n. 19). En réalité, à part LG 21b (in eius[Christi] persona agant), les autres passages disent plutôt qu’ils agissent « au nom du Christ », (in) nomine Christi (LG 25a, 27a ; AA 2b et CD 11b). A propos des prêtres, Vatican II utilise l’expression in persona Christi dans trois passages où elle est mentionnée en référence à l’eucharistie (LG 10b, 28a et PO 13b ; p. 95, n. 20). « La liaison du in persona Christi avec l’exclusivité sacerdotale pour consacrer l’eucharistie a été accentuée dans les documents postconciliaires », et la CTI de citer le synode des évêques de 1971, la lettre Sacerdotium ministeriale de 1983 et le c. 900 § 1 du Code latin de 1983 (« Le diaconat », 95, n. 21). La CTI mentionne ensuite des passages conciliaires et des documents postconciliaires où cette expression est utilisée dans un sens plus large que le rôle du prêtre dans la consécration eucharistique (« Le diaconat », 96, cf. les références dans sa note 22).

[19] CTI, « Le diaconat », 96.

[20] Congrégation pour le Clergé, « Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents », DC 93 (1998), 425-447, n° 28 et 37.

[21] « Le diacre, dit Jean-Paul II, personifie le Christ serviteur du Père, en participant à la triple fonction du sacrement de l’ordre » (Insegnamenti VIII/1, 649, cité par CTI, « Le diaconat », 97, n.27).

[22] CTI, « Le diaconat », 97, n. 31 en alléguant d’ailleurs le Catéchisme de l’Eglise catholique (n. 876). Pour paraphraser une expression évoquée précédemment en relation avec la diaconie et le sacerdoce du Christ, le diaconat serait le degré zéro sur lequel vient se greffer le sacerdoce ministériel, cf. A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », 48

[23] CEC n. 875, cité par CTI, « Le diaconat », 96, n. 24 et 25.

[24] C’est une expression de H. Denis : « alors que le presbytérat, par suite de la présidence eucharistique, exprime davantage le rassemblement ecclésial toujours donné  par le Christ dans son principe (le prêtre est toujours, en effet, dans le monde comme un «vœu» de communauté ecclésiale), le diaconat, lui, serait davantage l’expression du rassemblement ecclésial en train de se faire » (H. Denis, « Le diaconat dans la hiérarchie », dans P. Winninger et Y. Congar (dir.), Le diacre dans l'Église et le monde d'aujourd'hui, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam » n° 59, 1966, 146-147).

[25] CTI, « Le diaconat », 92. Le document semble résigné à ne pas pouvoir sortir de cette question et de celle corrélative d’une « strice répartition (des tâches) entre les différents ministres » (ib.). N’est-ce pas en s’interrogeant « sur la manière dont il (le diaconat) reconfigure en profondeur les relations entre l’Eglise et la société » que l’on pourrait cerner ce qu’est « une charge proprement et singulièrement diaconale » ? (D. Gonneaud, « Une lecture du document de la Commission théologique internationale. Le diaconat, évolution et perspectives », NRT 125 [2003], 410). Sur une correcte interprétation de ce rapport qui n’est pas binaire, mais ternaire (monde – Eglise pérégrinante – Jérusalem céleste) en référence à ce qui advient au cœur de l’histoire où l’Eglise chemine et qui s’achèvera par « la consommation de l’Eglise et du monde dans la Jérusalem céleste », je renvoie à A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », 38-39.

[26] Sur l’émergence, le sens et l’usage de cette expression – toujours à mettre en lien avec la « diaconie » du Christ telle qu’explicitée précédemment – je renvoie aux réflexions critiques de A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », 34-39.

[27] Cf. Y. Congar, « Le diaconat dans la théologie des ministères », dans P. Winninger et Y. Congar (dir.), Le diacre dans l'Église et le monde d'aujourd'hui, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam » n° 59, 1966,  135-138.

[28] Cf. CTI, « Le diaconat », 92.

[29] Ces réflexions me sont inspirées par M. Manceau, « La sacramentalité du diaconat : service du frère et service de l’autel », Cahiers de l’Atelier 491 (2001/1), 44-59.

[30] M. Manceau, « La sacramentalité du diaconat : service du frère et service de l’autel », 53.

[31] Cf. O. de Cagny, « Le diacre dans la liturgie romaine : serviteur de l’évêque, serviteur du peuple chrétien », Communio 26/2 (2001), 53-63.

[32] H. Renard, Diaconat et solidarité, Mulhouse, Salvator, 1990, 61-62.

[33] Dans le domaine de la Parole, les diacres sont associés de multiples façons au ministère de la Parole : la lecture publique des Écritures et en particulier la proclamation de l’Évangile, la catéchèse, l’exhortation des fidèles, le ministère de consolation des affligés de toutes sortes, la prédication, l’homélie, etc. Le Code de 1983 dit qu’il appartient aux diacres d’être au service du Peuple de Dieu par le ministère de la Parole, en communion avec l’évêque et son presbytérium (c. 757). Dans le domaine liturgique, leur rôle d’accueil des offrandes des fidèles pour la célébration (les « oblats ») et pour le partage avec les pauvres (qui est devenu la « quête ») rappelle le lien indissociable entre le sacrement de l’autel et le sacrement du frère. C’est ainsi que les diacres servent « les mystères du Christ et de l’Église », selon la belle formule d’Ignace d’Antioche reprise par LG  41d : « A la mission et à la grâce du Souverain Prêtre participent aussi d’une façon spéciale les ministres de l’ordre inférieur, et d’abord les diacres qui doivent, en servant les mystères du Christ et de l’Église, se garder purs de tous vices, chercher à plaire à Dieu et à être devant les hommes les instruments de tout le bien possible (cf. 1 Tim 3, 8-10 et 12-13) ». La contribution des diacres au ministère apostolique consiste ici à ce que l’eucharistie – où le Christ fait passer son Église dans son mystère pascal – soit célébrée en vérité. Certes, il s’agit d’un devoir de tout baptisé, mais les diacres – en premier chef l’évêque et, par conséquent, son presbytérium – ont la charge d’y veiller.

[34] C’est ce que suggère AG 16f : « Il est utile en effet que les hommes qui accomplissent un ministère vraiment diaconal (…) soient fortifiés par l'imposition des mains transmise depuis les apôtres et plus étroitement unis à l'autel, pour qu'ils s'acquittent de leur ministère plus efficacement, au moyen de la grâce sacramentelle du diaconat ».

[35] La CTI évoque à ce propos les doutes de quelques-uns à propos de la sacramentalité et la méfiance, sinon le refus de certains Eglises locales face au rétablissement du diaconat (CTI, « Le diaconat », 97).

[36] H. Legrand, « Le diaconat dans sa relation à la théologie de l’Église et des ministères. Réception et devenir du diaconat depuis Vatican II », dans A. Haquin et Ph. Weber (éd.), Diaconat XXIe siècle. Actes du Colloque de Louvain-la-Neuve (13-15 septembre 1994), Éd. Lumen Vitae-Novalis-Cerf-Labor et Fides, 1997, 31-32.

[37] On notera en passant que la CTI écrit : « si l’on niait sa sacramentalité, le diaconat représenterait une forme de ministère enraciné dans le baptême seulement » (CTI, « Le diaconat », 93).

[38] Code de 1983 c. 266 cf. c. 265. Ce lien associe le prêtre , pour toute la vie de celui-ci , à la mission de l’évêque et corrélativement, il oblige l’évêque à fournir au prêtre les moyens de sa subsistance jusqu’à sa mort. Le diacre est également associé pour toute sa vie à la mission de l’évêque en vertu d’une ordination, mais canoniquement, celle-ci n’entraîne pas dans le chef de l’évêque une obligation de pouvoir à sa subsistance (cf. c. 281 § 3).

[39] Cf. le passage déjà cité : CTI, « Le diaconat », 92.

[40] En effet, pour les fidèles laïcs qui se voient confier une fonction ou une charge ecclésiale – bref, un service ou un ministère –, leur collaboration à la mission de l’évêque doit être légitimée par la vérification d’aptitudes requises et la décision épiscopale qui en détermine les termes par une nomination avec la lettre de mission correspondante. Autrement dit, leur collaboration n’est pas intrinsèquement liée à leur condition de baptisés : elle n’est pas endogène à leur baptême alors que, chez les ordonnés, elle est endogène à leur ordination et même immédiate dans la cas de l’évêque diocésain, mais médiate pour les prêtres et diacres, c’est-à-dire moyennant l’attribution ultérieure à l’ordination d’une fonction ou charge ecclésiale.

[41] CTI, « Le diaconat », 97.

[42] Je renvoie à l’étude récente de L. Villemin, Pouvoir d’ordre et pouvoir de juridiction, Histoire théologique de leur distinction, Paris, Ed. du Cerf, coll. « Cogitatio fidei » n° 228, 2003.

[43] M. Manceau, « La sacramentalité du diaconat : service du frère et service de l’autel », 54.

[44] H. Legrand, « Bulletin d’ecclésiologie. Le diaconat : renouveau et théologie », Revue des Sciences philosophiques et théologiques 69 (1985), 102.

[45] CTI, « Le diaconat », 90.

[46] Sur cette possiblité que, à certaines conditions, la dispense de l’empêchement de mariage ne soit plus réservé au Siège apostolique de Rome, je renvoie à mon étude : A. Borras, « Quel avenir pour les prêtres ? Quels prêtres pour l’avenir ? », Esprit & Vie 51 (2002), 17-18.

[47] A. Grau, « ‘Diaconie du Christ’. De l’analogie pratique à la catégorie théologique », 38

 

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