A propos du diaconat permanent
par Jean Rigal, prêtre du diocèse de Rodez
Mots-clés : diaconat permanent
(texte paru dans La Croix des 25 et 26 octobre 2014)
Plusieurs lecteurs de La Croix ont relevé que les longues pages du journal consacrées à la situation de l’Église en France (dossier des 7-8 juin 2014) n’évoquent pas la mission du diaconat permanent.
Pourquoi cet oubli qui concerne plus de 1 200 diacres ?
Plusieurs raisons viennent à l’esprit. Nous sortons à peine d’une longue période où, en Occident (autre était la situation en Orient), le diaconat était devenu une simple étape dans l’accès au ministère presbytéral.
Le diaconat – comme ministère permanent – a quasiment disparu dans l’Église latine, il y a quelque dix siècles, sous l’efet de plusieurs causes cumulatives. Elles finiront par saper l’identité même de ce ministère : « Des diacres à quoi bon ? » C’est ainsi que dans le langage courant, on a pris l’habitude de se limiter au binôme réducteur « prêtre-laïc », sans faire droit à la diversité des ministères. Il faudra attendre le concile Vatican II pour que le diaconat permanent soit rétabli (en 1964).
À cette raison historique s’ajoutent des interrogations théologiques et pastorales.
Interrogations théologiques : quelle est la spécificité de ce ministère qui entre, de plein droit, dans la trilogie des ministères ordonnés, sans appartenir, pour autant, au ministère des pasteurs (évêques, prêtres) ?
Interrogations pastorales : comment situer la mission des diacres devant l’essor actuel « des ministères laïcs » et au sein des nouvelles structures de la vie ecclésiale ?
La baisse numérique des prêtres – largement évoquée dans le dossier de La Croix – pose de nouvelles questions sur la place spécifique des diacres. La tentation est grande de confier aux diacres la fonction d’animateurs de paroisses : célébrations dominicales de la Parole, obsèques, vie liturgique et sacramentelle, etc.
Le diaconat garde-t-il encore une spécificité s’il peut glisser vers des tâches de présidence et de rassemblement de la communauté ? Si une telle pratique prenait de l’ampleur, ne risquerait-elle pas de mettre le ver dans le fruit du diaconat ?
Autre question : existe-t-il, en France, une véritable pastorale de l’appel au diaconat ?
Ce qu’on dénomme « la pastorale des vocations » se borne à l’appel de jeunes célibataires au presbytérat. À l’assemblée épiscopale de Lourdes en 1996, les évêques demandaient que « les communautés chrétiennes fassent connaître des hommes qu’elles estiment aptes à recevoir l’ordination au diaconat ». Cet appel semble avoir eu peu d’échos ! Peut-être le jour viendra où chaque diocèse constituera des équipes d’appel, pour présenter aux évêques d’éventuelles candidatures au diaconat, voire au presbytérat, dans le cas où l’accès à ce dernier ministère serait ouvert à des « viri probati », c’est-à-dire à des hommes qui ont fait leurs preuves.
Tout ceci nous invite à mieux prendre conscience de la spécificité du diaconat en notre temps et de son importance pour la mission de l’Église. Il est devenu traditionnel de relever trois composantes essentielles de ce ministère : l’ordination, le ministère du service, la lettre de mission.
Le diaconat est un ministère qui trouve son premier fondement dans une ordination sacramentelle conférée par l’évêque. L’ordination rappelle que « le service », au sens évangélique du terme, ne s’enracine pas dans la seule générosité mais dans un don de l’Esprit comme le rappelle l’apôtre Paul (1 Co 4, 1). Ce ministère se distingue, enseigne explicitement le concile Vatican II (Lumen gentium n° 29), du ministère des « pasteurs ».
Il n’est pas d’abord lié à la présidence de la communauté, à son fondement structurel, mais à sa manière d’être, à son identité, à la suite du Christ serviteur.
L’ordination diaconale confère « le ministère du service ». Certes, l’appel au service est déjà au coeur de la vocation baptismale et de la mission de l’Église. C’est bien pourquoi le diaconat s’inscrit dans l’ordre du « signe », au sens sacramentel du terme. « Le signe » n’exclut pas, n’absorbe pas. Il rappelle, il stimule, il éveille. Tous sont serviteurs, quelques-uns sont diacres.
La lettre de mission, signée par l’évêque et remise au diacre est bien plus qu’une simple nomination ou affectation.
Elle prend, ici, d’autant plus d’importance que la notion de service ouvre un large horizon avec différentes missions possibles. Elle est en lien avec l’ordination qu’elle détermine ; elle fonde, pour sa part, le ministère diaconal.
La présence des diacres permanents (la plupart sont mariés) dans la vie professionnelle, l’action sociale et caritative, prend aujourd’hui une importance singulière, à la rencontre « des périphéries », selon l’appel insistant du pape François.
Les besoins dépassent tout ce que l’on peut imaginer. « La souplesse » relative qui caractérise ce ministère permet de répondre à une grande diversité de besoins. Le diaconat a de l’avenir si l’on croit que « pour l’Église, l’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique » (pape François, Evangelii gaudium, n° 198).
Ces réflexions laissent bien des questions ouvertes. Seule l’expérience concrète de la vie diaconale permettra une expression plus adéquate de ce ministère. De plus, n’est-ce pas le propre « d’un ministère de service » de garder une grande souplesse d’adaptation et de renouvellement ?
(texte paru dans La Croix des 25 et 26 octobre 2014)
Plusieurs lecteurs de La Croix ont relevé que les longues pages du journal consacrées à la situation de l’Église en France (dossier des 7-8 juin 2014) n’évoquent pas la mission du diaconat permanent.
Pourquoi cet oubli qui concerne plus de 1 200 diacres ?
Plusieurs raisons viennent à l’esprit. Nous sortons à peine d’une longue période où, en Occident (autre était la situation en Orient), le diaconat était devenu une simple étape dans l’accès au ministère presbytéral.
Le diaconat – comme ministère permanent – a quasiment disparu dans l’Église latine, il y a quelque dix siècles, sous l’efet de plusieurs causes cumulatives. Elles finiront par saper l’identité même de ce ministère : « Des diacres à quoi bon ? » C’est ainsi que dans le langage courant, on a pris l’habitude de se limiter au binôme réducteur « prêtre-laïc », sans faire droit à la diversité des ministères. Il faudra attendre le concile Vatican II pour que le diaconat permanent soit rétabli (en 1964).
À cette raison historique s’ajoutent des interrogations théologiques et pastorales.
Interrogations théologiques : quelle est la spécificité de ce ministère qui entre, de plein droit, dans la trilogie des ministères ordonnés, sans appartenir, pour autant, au ministère des pasteurs (évêques, prêtres) ?
Interrogations pastorales : comment situer la mission des diacres devant l’essor actuel « des ministères laïcs » et au sein des nouvelles structures de la vie ecclésiale ?
La baisse numérique des prêtres – largement évoquée dans le dossier de La Croix – pose de nouvelles questions sur la place spécifique des diacres. La tentation est grande de confier aux diacres la fonction d’animateurs de paroisses : célébrations dominicales de la Parole, obsèques, vie liturgique et sacramentelle, etc.
Le diaconat garde-t-il encore une spécificité s’il peut glisser vers des tâches de présidence et de rassemblement de la communauté ? Si une telle pratique prenait de l’ampleur, ne risquerait-elle pas de mettre le ver dans le fruit du diaconat ?
Autre question : existe-t-il, en France, une véritable pastorale de l’appel au diaconat ?
Ce qu’on dénomme « la pastorale des vocations » se borne à l’appel de jeunes célibataires au presbytérat. À l’assemblée épiscopale de Lourdes en 1996, les évêques demandaient que « les communautés chrétiennes fassent connaître des hommes qu’elles estiment aptes à recevoir l’ordination au diaconat ». Cet appel semble avoir eu peu d’échos ! Peut-être le jour viendra où chaque diocèse constituera des équipes d’appel, pour présenter aux évêques d’éventuelles candidatures au diaconat, voire au presbytérat, dans le cas où l’accès à ce dernier ministère serait ouvert à des « viri probati », c’est-à-dire à des hommes qui ont fait leurs preuves.
Tout ceci nous invite à mieux prendre conscience de la spécificité du diaconat en notre temps et de son importance pour la mission de l’Église. Il est devenu traditionnel de relever trois composantes essentielles de ce ministère : l’ordination, le ministère du service, la lettre de mission.
Le diaconat est un ministère qui trouve son premier fondement dans une ordination sacramentelle conférée par l’évêque. L’ordination rappelle que « le service », au sens évangélique du terme, ne s’enracine pas dans la seule générosité mais dans un don de l’Esprit comme le rappelle l’apôtre Paul (1 Co 4, 1). Ce ministère se distingue, enseigne explicitement le concile Vatican II (Lumen gentium n° 29), du ministère des « pasteurs ».
Il n’est pas d’abord lié à la présidence de la communauté, à son fondement structurel, mais à sa manière d’être, à son identité, à la suite du Christ serviteur.
L’ordination diaconale confère « le ministère du service ». Certes, l’appel au service est déjà au coeur de la vocation baptismale et de la mission de l’Église. C’est bien pourquoi le diaconat s’inscrit dans l’ordre du « signe », au sens sacramentel du terme. « Le signe » n’exclut pas, n’absorbe pas. Il rappelle, il stimule, il éveille. Tous sont serviteurs, quelques-uns sont diacres.
La lettre de mission, signée par l’évêque et remise au diacre est bien plus qu’une simple nomination ou affectation.
Elle prend, ici, d’autant plus d’importance que la notion de service ouvre un large horizon avec différentes missions possibles. Elle est en lien avec l’ordination qu’elle détermine ; elle fonde, pour sa part, le ministère diaconal.
La présence des diacres permanents (la plupart sont mariés) dans la vie professionnelle, l’action sociale et caritative, prend aujourd’hui une importance singulière, à la rencontre « des périphéries », selon l’appel insistant du pape François.
Les besoins dépassent tout ce que l’on peut imaginer. « La souplesse » relative qui caractérise ce ministère permet de répondre à une grande diversité de besoins. Le diaconat a de l’avenir si l’on croit que « pour l’Église, l’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique » (pape François, Evangelii gaudium, n° 198).
Ces réflexions laissent bien des questions ouvertes. Seule l’expérience concrète de la vie diaconale permettra une expression plus adéquate de ce ministère. De plus, n’est-ce pas le propre « d’un ministère de service » de garder une grande souplesse d’adaptation et de renouvellement ?
Par Brigitte | Avant | 12/11/2014 11:46 | Des textes sur le diaconat permanent | aucun commentaire |