La diaconie un chemin de conversion..
Robert SCHOLTUS
Journée régionale des diacres d'Ile de France - 4 février 2007
Un titre en 3 mots et je voudrais commencer par insister sur celui qu’on est tenté d’oublier, celui de chemin. Il indique d’emblée l’esprit qui anime cette rencontre et vous invite à réenvisager le ministère diaconal dont vous avez été investis comme un itinéraire de vie, comme une aventure spirituelle, comme une vocation qui découvre sa profondeur et son amplitude dans la réponse concrète que chacun de vous lui apporte. Oui le diaconat est une aventure que chacun de vous a accepté de courir à l’appel de l’Eglise qui est elle-même en chemin, en synode, peuple en marche, envoyé en mission dans le monde.
De surcroît, en ce qui concerne le diaconat, il s’agit d’une aventure qui commence, qui a pour elle la jeunesse des commencements, puisqu’il n’y a guère que 40 ans que le diaconat permanent a été rétabli.
J’insiste sur ce point, car s’il est convenu de dire que le diaconat est une chance pour l’Eglise, je trouve que souvent on ne lui laisse pas toutes ses chances. On en fait un problème. On en parle comme s’il avait été réinventé comme un simple maillon du dispositif institutionnel de l’Eglise, pour répondre aux nécessités stratégiques de la pastorale, pour être une force d’appoint et de suppléance.
De ce point de vue, il me semble que la première conversion à faire, par l’Eglise toute entière et par les diacres eux-mêmes, c’est de renoncer à intérioriser ces perspectives mortifères, cette réduction institutionnelle pour s’inscrire résolument dans une dynamique spirituelle.
Je n’ignore pas les difficultés que peuvent rencontrer les diacres à trouver leur place dans l’Eglise, à être reconnus pour ce qu’ils sont. Mais précisément parce qu’il est une réalité toute neuve dans une réalité pastorale en pleine reconfiguration, il ne faut pas attendre que le diaconat s’intègre dans le dispositif ecclésial avec la précision d’un puzzle. Ce serait même inquiétant : ne dit-on pas que le diacre exerce un ministère du seuil, à la croisée des chemins ? De même, le diaconat ne se déduit pas d’une théologie toute faite. Il ne faut pas attendre de la théologie des réponses qui relèvent des choix pastoraux d’un diocèse et des expériences concrètes. Tout cela pour dire qu’il ne faut pas traiter le diaconat comme un produit fini, mais comme une « invention » qui réclame des apprentissages et des ajustements qui ne seront féconds qu’à la condition que la sacramentalité du diaconat ne soit pas occultée et étouffée par les problèmes institutionnels et organisationnels.
En ordonnant des diacres permanents depuis 40 ans, l’Eglise n’a pas voulu introduire une nouvelle catégorie socio-professionnelle pour améliorer son rendement dans une période de récession. Elle a voulu restaurer le signe sacramentel d’une Eglise pour le monde, elle a voulu que soit re-présentée dans l’ordre sacramentel la charité du Christ pour tout homme.
Ainsi, c’est dans la mesure où les ministres ordonnés–diacres, prêtres et évêques – auront une conscience vive d’être serviteurs du même Christ, signes sacramentels de sa présence et de sa sollicitude pour l’humanité – qu’ils échapperont à la tentation de durcir leurs spécificités respectives. Je pense ici aux relations entre prêtres et diacres qui connaissent parfois des tensions et des incompréhensions parce qu’ils ont tendance à se définir par opposition, par soustraction ou par exclusion. Bien sûr, la théologie n’a pas fini d’approfondir la spécificité du diaconat et elle n’est pas forcément unanime sur ce point. Mais après tout, au fil de siècles la théologie du presbytérat a connu et connaît encore bien des fluctuations et des tensions internes. Cela dit, il me paraît tout aussi important que les diacres ne se laissent pas enfermer dans leur différence, qu’avec les prêtres ils n’oublient pas leur condition commune de baptisés, membres d’une même Eglise, sacrement de l’unique Christ et Seigneur, Pasteur et Serviteur. Dans cette Eglise tout le monde fait tout, mais pas de la même manière, selon un célèbre adage. A trop s’obnubiler sur la diversité des manières, je veux dire des ministères et des charismes, on oublie souvent le tout, je veux dire l’organicité de l’Eglise et l’arc-en-ciel que constitue la diversité des ministères.
Très concrètement, cela veut dire pour moi qu’il est important que prêtres et diacres n’entretiennent pas seulement des relations professionnelles si j’ose dire, mais apprennent à se rencontrer dans la gratuité du partage spirituel, de la prière et de l’amitié.
D’autant plus qu’il m’est apparu, à la lecture du rapport de synthèse fait par le Comité National du Diaconat, que la plupart des questions et aspirations exprimées par les diacres – hormis évidemment ce qui concerne la vie conjugale et familiale – rejoignent de très près les questions des prêtres. Il serait notamment malsain de radicaliser la distinction que nous faisons entre le diacre homme du seuil et le prêtre homme de la boutique, pour le dire péjorativement (les rôles peuvent s’inverser), ni non plus celle entre le ministère caritatif et la fonction liturgique du diacre. Après tout, les communautés chrétiennes en maints endroits sont des lieux de pauvreté et de précarité – qui connaissent un grave déficit de présidence – et les diacres ne peuvent se dérober à ce service des communautés quand bien même il est clair qu’ils ne sont pas là pour suppléer les prêtres.
Le point de connexion entre presbytérat et diaconat, c’est symboliquement, liturgiquement, l’eucharistie dans laquelle le prêtre et le diacre représentent ensemble le Christ qui rassemblent les siens, les enseigne, les sert à la table du Royaume et les envoie pour témoigner de sa charité. Le diacre, auquel est dévolu le geste de l’envoi, a pour mission en quelque sorte de convertir la communauté ecclésiale à la diaconie, de la retourner vers le monde, de lui redire sans cesse que la diaconie est constitutive de l’existence chrétienne et ecclésiale, que le service de l’homme, l’amour des pauvres, la solidarité avec les exclus sont le plus haut témoignage rendu au Christ.
C’est en ce sens qu’on peut dire que le diaconat s’offre à l’Eglise comme un chemin de conversion. Il ne me déplairait pas d’ailleurs qu’on définisse le diaconat, comme le ministère de la conversion, si conversion signifie se tourner résolument vers l’autre, vers ceux qui sont sans, sans pouvoir, sans liens, sans droits, sans papiers, sans toit, sans pain, sans espoir, pour les réintroduire dans la communauté des humains. C’est là l’œuvre de l’Eglise que le concile a définie comme le sacrement de l’unité du genre humain. Les diacres n’ont pas le monopole de la charité. Ils n’en sont que l’expression sacramentelle. En engageant leur vie au service des pauvres, dans une action soutenue de solidarité au titre même de la mission qui leur a été confiée, ils n’épuisent pas, loin s’en faut, l’œuvre caritative de l’Eglise. Mais ils aident toute l’Eglise à prendre au sérieux sa vocation diaconale.
On parle de diaconat permanent pour le distinguer du diaconat reçu en vue de l’ordination presbytérale. Mais on pourrait aussi associer cet adjectif « permanent » à la conversion qu’implique une véritable diaconie. Car on n’en a jamais fini de s’ouvrir à l’autre, de se laisser déranger par l’étranger, de ne pas se dérober à l’appel des pauvres, de se laisser inquiéter par les cris silencieux de la solitude. Et chacun de nous sait combien est grande la tentation de nos communautés de se suffire à elles-mêmes, de se satisfaire de leur médiocre convivialité, de ne se préoccuper que de leur fonctionnement et de leur petit confort liturgique.
On disserte avec beaucoup de facilité sur l’Eglise comme mystère de communion, une communion dont évêques et prêtres ont la garde. Les diacres qui sont des ministres ordonnés n’auraient-ils pas comme mission propre d’empêcher que l’Eglise se satisfasse d’une communion étriquée, en l’ouvrant sans cesse aux exclus de la société et aux vaincus de l’histoire ? Etant entendu qu’une telle mission les met eux-mêmes en état de conversion permanente.
P. Robert Scholtus
Par gisele | Avant | 14/02/2007 18:12 | Après | Des textes sur le diaconat permanent | un commentaire |
Commentaires
1 -par Anonyme, le Mardi 11 Décembre 2007, 19:32 Répondre à ce commentaire